Saisie d’une publication tunisienne au nom de lÉtat d’urgence sur ordre du ministre de l’Intérieur, censure d’une émission télévisée, nominations parachutées au sein d’institutions médiatiques publiques sans avis conforme de la Haute autorité indépendante de communication audiovisuelle (HAICA)… Les signaux envoyés par le gouvernement tunisien sont extrêmement inquiétants pour l’avenir de la liberté d’informer.
Entre
les 7 et 10 avril, le Premier ministre Youssef Chahed a nommé de
nouveaux dirigeants à l’agence TAP, à la SNIPE ainsi qu’à la radio
religieuse Zitouna FM fondée par le gendre de l’ex-président Ben Ali en
2007, sans que ni les professionnels du secteur ni la HAICA ne soient
consultés.
Dimanche
9 avril, Hannibal TV n’a pas diffusé l’émission le « rendez-vous » de . Selon nos sources, la direction de la chaîne aurait subi des
pressions de la part de la présidence de la République qui n’aurait pas
apprécié les propos de Ridha Belhaj, dirigeant de Nidaa Tounes et
invité de l’émission. Le 6 avril, les exemplaires d’un média tunisien
étaient saisis à l’imprimerie par la police sur ordre du ministère de
l’Intérieur, qui a invoqué l’état d’urgence pour justifier son action.
Mais aucun ordre judiciaire n’a été émis, empêchant ainsi tout recours.
«Ces attaques sont un coup dur porté à la liberté de la presse en Tunisie, déclare Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF. Le
gouvernement choisit d’utiliser des méthodes arbitraires, contraire aux
principes démocratiques. Nous demandons aux autorités de cesser ces
attaques contre la liberté d’informer dans le respect de la Constitution
et des engagements internationaux du pays».
A
ces pressions politiques s’ajoutent d’autres menaces fragilisant le
principe d’indépendance des journalistes. Dimanche 16 avril, un
enregistrement sonore révélant les propos supposés de Nabil
Karoui, ex-PDG de Nessma TV, l’une des chaînes les plus regardées de
Tunisie a fuité. On y entend Karoui s’ingérait dans les contenus
éditoriaux pour demander aux journalistes de préparer « une
bande-annonce qui souille » les membres d’une ONG tunisienne (I Watch)
ayant mené une enquête sur les irrégularités fiscales dans la gestion de
la chaîne en octobre 2016. L’ancien patron de la chaîne y demande de
faire passer les membres de l’ONG pour des « traîtres et des agents » de
l’étranger en utilisant des informations « bidons ».
Face à ce resserrement du contrôle de l’information, RSF
tient à apporter son soutien aux journalistes tunisiens indépendants,
acteurs de la société civile médiatique tunisienne au premier plan
duquel, le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) ainsi
qu’à la HAICA.
La Tunisie est 96ème au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF en 2016.