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Le procès des collaborateurs de Cumhuriyet reprendra le 9 mars 2018. Aucun des quatre prévenus emprisonnés n’a été remis en liberté. Le procès d’Erol Önderoğlu, Şebnem Korur Fincancı et Ahmet Nesin reprendra quant à lui le 18 avril.

Plus d’information dans ce communiqué (en anglais).


Ce sont deux procès emblématiques qui reprennent à Istanbul : dix-sept collaborateurs du quotidien Cumhuriyet comparaîtront à partir du 25 décembre tandis que le représentant de RSF en Turquie et la défenseure des droits de l’homme Fincancı sont appelés à la barre le 26 décembre. Une délégation internationale de l’organisation, parmi laquelle son secrétaire général Christophe Deloire, sera présente au palais de justice de Çağlayan pour suivre les débats et manifester sa solidarité avec les journalistes poursuivis.

“Les accusations portées contre ces journalistes et activistes de la liberté d’expression sont absurdes et indignes : c’est tout simplement le journalisme qui est criminalisé en Turquie, martèle Christophe Deloire. Nous n’aurons de cesse de le répéter jusqu’à ce qu’il leur soit enfin rendu justice : nous exigeons l’abandon des poursuites, la restauration du pluralisme et la libération de tous les journalistes emprisonnés du fait de leurs activités professionnelles.”Les collaborateurs de Cumhuriyet encourent jusqu’à 43 ans de prison pour avoir critiqué les autorités et soi-disant “défendu” trois organisations considérées comme “terroristes” en Turquie : le mouvement Gülen, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et le groupuscule d’extrême gauche DHKP/C. Des mouvances aux idéologies très différentes que le quotidien, lauréat 2015 du Prix RSF pour la liberté de la presse, n’a cessé de critiquer. Depuis le début du procès, en juillet, la défense a méthodiquement taillé en pièces l’acte d’accusation : celui-ci repose essentiellement sur des articles de presse mal interprétés et tirés de leur contexte, des contacts anodins des journalistes avec leurs sources et partenaires, sans parler de nombreuses erreurs factuelles.Si huit collaborateurs du journal ont été libérés après de longs mois de détention provisoire, quatre autres croupissent toujours en prison : le rédacteur en chef , le journaliste d’investigation , le président du directoire, Akın Atalay, et le comptable sont derrière les barreaux depuis huit à quatorze mois. Dans un procès séparé, le 20 décembre, le parquet a requis jusqu’à quinze ans de prison contre l’ancien rédacteur en chef de Cumhuriyet, , son représentant à Ankara, , et leur source présumée, .Représentant de RSF depuis plus de vingt ans, Erol Önderoğlu est quant à lui poursuivi pour avoir pris part à une campagne de solidarité avec le quotidien pro-kurde Özgür Gündem. Il comparaît depuis novembre 2016 avec la défenseure des droits humains Şebnem Korur Fincancı et l’écrivain , qui a quitté le pays.Au total, 41 personnalités sont poursuivies dans cette affaire : au nom du pluralisme, elles s’étaient relayées pour prendre symboliquement la direction de ce journal persécuté par la justice et finalement fermé manu militari en août 2016. Erol Önderoğlu et ses deux camarades sont les seuls à avoir été arrêtés une dizaine de jours dans le cadre de cette campagne. Accusés de “propagande du PKK”, “apologie d’un crime” et “incitation au crime”, ils risquent jusqu’à quatorze ans de prison.La Turquie est classée 155e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2017 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : près de 150 médias ont été fermés, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.